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Avec Andréa IACOVELLA | Les heures de Nemi [ Extrait]

 

 

Les Heures de Nemi  Andrea IACOVELLA

 

 

 

[...]

pardonnez ce trouble

 

le relâchement

que vous entendez

se prête à glisser

 

plus bas

 

dans la voix

pour y puiser l'élan

encore inédit

sur les pas d'un appel

 

cette descente

qui vous inquiète

est l'effet d'une parole

qui se dénude

dans son déroulement

 

prise de désir

d'une privation

souveraine

apte à accomplir

la clarté d'un ciel

prié des dieux

 

vous entendez là

ce tour funambule

sur les marges de la page

 

la révolution inspirée

d'un derviche

qui anime

le mouvement

d'admiration de la terre

 

[ ce geste d'abandon relève

de la seule initiative des pas

sur la voie des nues ]

 

une ligne inachevée

[commencement et fin]

toujours là

 

au pli d'un silence rayé

dans le vertige dévalé de l'aurore

 

à la proue d'une lueur qui tangue

dans les ornières du lac

 

un îlot désolé dans la mer

 

Nemi au creux des flots

bercée par les vagues

des maux au lointain [sans visage]

qui dans la mer se noient

cent rivages déjouent

le hasard d'un retour

 

nous sommes la rayure

qui dit l'opacité du jour

[une voie barrée dans le bleu

des chemins en forât]

mais une rayure possédée

pour réaliser son nom

 

 

Andréa IACOVELLA, les heures de Nemi,

la rumeur libre Éditions,2011,p.48-50.

 


Avec Yves BONNEFOY | L'écharpe rouge [Extrait]

 

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"Elle entre dans la salle, avec dans sa main cette écharpe nécessairement rouge qui ne peut-être qu'un don qu'elle va ou pourrait faire. Est-ce " ce soir qu'Amour vous fit dans la salle descendre", ma si proche, mon inconnue ? Pour vous n'est-ce pas plutôt l'heure dans le doute, l'imprévisible, d'une décision dont les conséquences seront si graves que votre gorge en est serrée et vos mains tremblantes ? Vous êtes chez vos parents, où le prétendant vient d'arriver. Peut-être allez-vous lui abandonner cette écharpe dans les plis de laquelle est encore en sommeil le sang des engendrements à  venir. Quelle inquiétude, puisque ce sang est celui de votre père, auquel vous êtes si attachée pour précisément sa différence avec les autres hommes, dont probablement celui-ci ?

[...]

D'abord, cette entrée dans la salle, l'écharpe en main, c'est une imagination comme on en a dès les premières années de vie : car l'amour qu'un enfant porte à sa mère, à une heure de l'existence où autour de lui les choses et les personnes sont à même degré des présences vives dans la lumière première, cet amour s'adresse en elle à ce qu'elle a encore de vif à ce même niveau d'être au monde, et c'est la retrouver en amont des renoncements que la vie lui a imposés, c'est l'apercevoir dans son expérience vernale, à l'heure où elle imaginait que sa destinée pourrait fleurir. La mère est toujours pour l'enfant la jeune fille d'alors, malgré la compassion qu'il éprouve aussi pour la femme qu'il voit vieillir, inquiète dans les tâches du quotidien. 

 

 

 

Yves BONNEFOY, L'écharpe rouge, Mercure de France, Avril 2016, p.89-90